« L'Adorée » par René Maizeroy 126 p., ISBN 2-84755-004-6 EAN 9782847550047 Prix TTC : 8.50 euros
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Ce roman est une vraie étude psychologique. La jalousie, qu'est-ce ? Comment arrive-t-elle à détruire ce que nous avons créé ? Et même si l'histoire se passe en 1910, elle aurait pu avoir lieu à n'importe quelle époque, aujourd'hui aussi bien qu'il y a des siècles...
Livres de René Maizeroy publiés aux éditions de Saint Mont
« L`Adorée » par René Maizeroy publié aux éditions de Saint Mont
Sujet : Un homme marié tombe par hasard sur les
lettres d'amour adressées à sa femme. Bien que sa femme lui assure n'avoir
jamais répondu à ces lettres et ne les avoir gardées que par un caprice
féminin, la jalousie s'installe dans le coeur du mari. Elle le rongera de
l'intérieur et détruira peu à peu l'amour de ce couple.
Extrait :
Maudit soit le jour où, malgré moi, avec la honte de commettre une mauvaise
action et le haussement d'épaules du mari qui ne doute pas de sa femme, j'eus
cette curiosité d'ouvrir le coffret en bois de santal où Marthe enfermait ses
lettres, ses bijoux, les babioles inutiles qu'on ne sait pourquoi, les jeunes
filles et les jeunes femmes conservent comme des reliques.
Maudites soient les minutes brèves où phrase par phrase — avec le coeur qui
battait à se rompre et des bourdonnements dans les oreilles — je lus ces
billets, ces pages où un autre que moi lui parlait de son amour, de ses désirs,
la suppliait, évoquait des souvenirs de flirt, de valses valsées avec elle, de
fleurs tombées de son corsage, de furtives coquetteries qui affolent, lui
écrivait ce que je lui ai écrit, moi, depuis que je l'adore, quand nous étions
fiancés et plus tard, quand pour quelque voyage nous nous séparions avec tant de
peine — les effusions, les aveux, les folies avec les mêmes mots.
Il y avait seize lettres en leurs enveloppes entourées d'un ruban bleu. Seize
lettres sans commencement ni fin, énigmatiques, respectueuses en leur ardente
convoitise et crânement signées, comme lorsqu'on aime vraiment une femme et
qu'on nargue tous les dangers pour la posséder et la séduire. Ce n'était qu'un
prélude d'une extrême et croissante tendresse et dont Marthe, en sa pudeur,
aurait eu à peine le droit de s'irriter. Et, pourtant, il me sembla alors qu'en
ma poitrine se creusait une plaie insondable, que quelque chose s'écroulait,
m'ensevelissait sous des décombres. Comme un juge d'instruction qui dissèque un
dossier, j'entrevis en un instant la perfidie, la fausseté de cette âme en
laquelle j'avais mis toute ma confiance, tout mon amour.
Certes, elle n'eût pas sans raison et seulement par un enfantillage de
pensionnaire qui s'amuse à l'étourdie, gardé de pareils souvenirs. Lorsqu'on ne
brûle pas une lettre amoureuse, c'est pour pouvoir la relire ensuite dans les
moments d'ennui et s'en délecter, s'en imprégner comme d'une odeur subtile qui
grise. Et quel motif l'avait incitée à si bien cacher ce secret, à ne point
m'avouer, comme une histoire drôle dont ensemble on se raille, cette façon de
roman ridicule ?
Douter, s'imaginer le pire, se débattre en des hypothèses ambiguës qui
enfièvrent, rassembler des amas de circonstances passées, de minuties, pour
arriver finalement à la conclusion torturante qu'on a été trompé et se
crucifier comme à plaisir, s'entêter dans cette idée fixe ! Je ne sais pas un
plus implacable supplice, je ne le souhaiterais pas à un ennemi et je l'ai
enduré, et je l'endure encore, sans espérer une accalmie, sans voir au bout de
pareilles rancoeurs, le terme qui délivre et qui annihile.
En des minutes qui me furent longues comme des siècles, je souffris tout ce
qu'un homme peut supporter d'amertume, de désillusions, de désespoirs. Je
l'aimais tant et tant, avec de telles croyances, une ferveur comme les femmes en
ont pour la Vierge. J'aurais donné ma vie pour lui épargner seulement un
chagrin, le dépit d'un caprice inexaucé.
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